Corinne Cahen au sujet des allocations familiales

Le Quotidien: Comment s'est passée votre arrivée au ministère, vous êtes-vous bien adaptée à votre nouvelle vie?

Corinne Cahen: Je suis encore e] phase de découverte. Je rencontre beaucoup de gens très efficaces et qui ont très envie de travailler. De puis un mois, je ne fais que calcule et rencontrer des gens. Les dépense sont énormes. Nous gérons un budget qui va bien au-delà du milliard d'euros, plus d'un demi-milliard d'euros de prestations part à l'étranger. Je sais que c'est un sujet qui fâche mais c'est une réalité.

Le Quotidien: Quels sont les sujets auxquels vous comptez vous atteler en premier lieu?

Corinne Cahen: En ce moment je travaille beaucoup sur les allocations et sur un réforme du RMG (NDLR: revenu minimum garanti). Il y énormément d'allocations différentes, introduites tout au long des trois dernières décennies, mais sans aucun structure. Nos collaborateurs à la Caisse nationale des prestations familiales (ÇNPF) font un travail remarquable, mais le système est bien trop compliqué. A chaque fois qui y a un jugement de la Cour de justice de l'Union européenne concernant les allocations familiales, no collaborateurs sont obligés de remettre en question le système tout entier, ce qui équivaut à un travail énorme. Le Luxembourg n'est tout simplement pas comparable aux autres pays européens, car 200 OOC non-résidents travaillent dans notre pays. Entre les différentes allocations qui existent actuellement et les différents pays avec des systèmes d'allocations familiales complètement différents, il est impossible d'établir un système simple et clair pour tout le monde. C'est une des raisons pour lesquelles il est très important de simplifier les allocations.

Le Quotidien: Quelles sont vos intentions concernant ce revenu minimum garanti?

Corinne Cahen: Actuellement, que l'on travaille 3 heures ou 10 ou 20 heures en recevant un complément RMG, on reçoit la même somme et c'est ce que nous voulons changer. Nous voulons que le travail soit rémunéré même en touchant le RMG. Le but est de faire sortir les gens du RMG, mais le revenu minimum garanti est important pour ceux qui ne peuvent pas travailler. Nous ne voulons laisser tomber personne. Faire en sorte que les gens ne soient pas dans un risque de pauvreté est primordial.

Le Quotidien: Comment comptez-vous réformer la politique d'allocations familiales?

Corinne Cahen: Une idée est de dire que chaque enfant vaut le même niveau d'aide et partant, de déterminer un montant X par enfant. Ce montant pourrait être valable par exemple pour chaque enfant né après le 31 décembre 2014. Ce serait une possibilité sans que ce nouveau système puisse être rétroactif. C'est-à-dire que l'on fonctionnerait avec deux systèmes pendant 18 ans. Mais ceci n'est qu'une possibilité. Nous l'étudions, ainsi que la faisabilité en pratique. J'aimerais établir un système d'allocations équitable et aussi simple que possible afin que tout le monde le comprenne facilement et pour réduire les frais de fonctionnement à la Caisse nationale des prestations familiales.

Le Quotidien: Est-ce une des priorités de votre ministère cette réforme des allocations familiales?

Corinne Cahen: Oui, absolument. Mais ce n'est pas la seule priorité. Ce qui me chagrine c'est que l'on a distribué pas mal d'argent ces dernières décennies. Dès que je prononce les mots "allocations familiales", j'entends déjà des reproches alors que je n'ai absolument pas envie de priver les gens d'un soutien financier sur lequel ils comptent à moyen ou long terme.

Le Quotidien: Avez-vous déjà fixé un nouveau montant?

Corinne Cahen: Non, mais nous nous basons évidemment sur les prestations actuelles: pour un premier enfant, vous recevez actuellement 185 euros, pour 2 enfants, on perçoit 220 euros par enfant, etc. Nous sommes en train de faire les calculs et il est trop tôt pour annoncer un montant. En revanche, je peux d'ores et déjà vous dire que nous n'avons aucunement l'intention de toucher aux allocations de rentrée scolaire ou à la majoration d'âge.

Le Quotidien: Vous avez comme mission de veiller également aux personnes âgées. La population du Luxembourg est vieillissante, est-ce un autre défi à relever pour vous?

Corinne Cahen: Contrairement aux allocations, ce défi n'a pas été, trop mal maîtrisé jusqu'ici. Le fait de vouloir garder les gens le plus longtemps possible chez eux change un peu la donne au niveau des maisons de retraite. Il y a 10 ou 15 ans, les gens arrivaient dans les maisons de retraite en pleine forme, à un âge encore assez jeune, alors qu'aujourd'hui ils viennent en fin de vie et ils ont besoin de beaucoup plus de soins. Il faut soutenir ce principe de garder les gens chez eux le plus longtemps possible car c'est finalement chez soi que l'on se sent le mieux. Ce changement a bien été opéré.

Le Quotidien: On sait que le Parti démocratique a tiré à boulets rouges sur le forfait d'éducation, plus communément appelé "Mammerent". Se dirige-t-on vers sa suppression?

Corinne Cahen: Nous ne voulons pas que des gens se retrouvent dans la pauvreté mais nous sommes d'avis que ceux qui ont assez de revenus n'ont pas besoin de la toucher. Ce forfait d'éducation n'est d'ailleurs pas très élevé, de l'ordre de 86 euros par enfant mais pour l'Etat, cela représente quand même plus de 70 millions d'euros. Nous examinons actuellement une réforme de ce forfait. Notre politique est d'encourager les femmes à travailler même si elles ont des enfants.

Le Quotidien: L'intégration est une autre de vos compétences...

Corinne Cahen: Oui et je sais que l'on ne peut forcer personne à s'intégrer et il faut arrêter, à mon avis, de dire que si l'on ne parle pas le luxembourgeois on n'est pas intégré. Je connais beaucoup de gens qui sont extrêmement bien intégrés sans maîtriser la langue luxembourgeoise, parce qu'il y a un blocage, surtout à l'âge adulte. L'intégration, néanmoins, est un grand défi car nous avons 60% d'étrangers à Luxembourg-Ville et plus de 40% au niveau national. Ces gens-là font partie de ce pays, participent à notre richesse et à notre économie et nous ne pourrions tout simplement pas vivre sans eux. Il est important que ces gens se sentent chez eux et qu'ils n'aspirent pas toute leur vie à repartir dans leur pays d'origine.

Le Quotidien: La langue luxembourgeoise ne serait donc pas le meilleur moyen de s'intégrer selon vous?

Corinne Cahen: Je m'étais amusée à poser cette question sur Facebook concernant très précisément ce point de vue et j 'avais reçu des centaines de réponses! Les gens n'étaient pas du tout d'accord entre eux! Il n'existe pas de solution miracle. Je pense que l'intégration peut se faire par la langue mais encore une fois, il n'est pas nécessaire de la connaître pour se sentir intégrer. Du moins je l'espère. Par contre, nous devons donner la possibilité à chacun d'apprendre notre langue, ce qui qui vaut à organiser assez de cours à des heures différentes, de façon à ce que tout le monde puisse apprendre le luxembourgeois s'il le souhaite. A nous de donner aux personnes qui le souhaitent les moyens nécessaires pour s'intégrer.

Le Quotidien: Quelles sont vos idées pour accompagner cette intégration?

Corinne Cahen: Actuellement nous travaillons sur la campagne des élections européennes. La participation politique est toujours un bon moyen d'intégration. Si l'on réussit à faire en sorte que les étrangers vivant au Luxembourg s'inscrivent sur les listes électorales, ils participeraient non seulement à la démocratie, mais ils s'intéresseraient à ce moment-là aussi à la politique luxembourgeoise et donc à la vie dans notre pays.

Le Quotidien: Vous avez sous votre tutelle l'Office luxembourgeois de l'accueil et de l'intégration (OLAI), quel rôle voulez-vous lui donner?

Corinne Cahen: L'OLAI a deux challenges. Le premier est l'hébergement des réfugiés qui arrivent dans le pays et l'autre, c'est l'intégration des étrangers, ce qui n'est pas la même chose. LOLAI doit travailler avec les associations sur le terrain, comme l'ASTI ou le CLAE. Il faut que les acteurs travaillent ensemble et pas chacun de leur côté. Ces associations sont souvent les premières à accueillir les étrangers quand ils ont un problème d'intégration, une question à poser d'ordre juridique, économique ou autre.

Le Quotidien: Votre ministère a hérité du dossier congé parental" et là aussi on parle de le réformer. Dans quel sens?

Corinne Cahen: On aimerait flexibiliser ce congé parental car il s'est avéré que peu de chômeurs ont été employés sur ces congés parentaux. On aimerait en faire un outil de la politique familiale et pas un outil de la politique pour l'emploi. Pourquoi est-ce qu'un parent doit forcément prendre 6 mois de congé? Pourquoi pas un mois, ou tous les mardis matins pour s'occuper de son enfant en accord avec son employeur et ce pendant un certain temps. Il y a plein de possibilités.

Le Quotidien: L'intégration des personnes handicapées est un autre dossier qui vous revient. Comment allez-vous l'aborder?

Corinne Cahen: On ne peut pas du jour au lendemain rendre accessibles tous les bâtiments mais dès qu'une transformation a lieu, il faut qu'elle soit adaptée. On encourage aussi les gens à se former pour traduire en langage des signes car nous manquons de traducteurs. Nous avons envie de traduire aussi la conférence de presse qui suit le Conseil de gouvernement. Elle sera d'ailleurs diffusée en direct sur internet. Nous y travaillons.

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